Expérience-utilisateur à la station-service

Mais où est donc passé ce terminal de paiement?

Suite à un arrêt sur l’autoroute A3, en direction de Liège, j’ai vécu une expérience-utilisateur intéressante.

Je dois m’arrêter pour faire le plein de diesel dans une station-service.
La signalétique m’amène sans problème devant les rangées de pompes.
Je me gare devant une pompe, j’ouvre ma portière et je fais le tour du véhicule par l’arrière-gauche.
Là, je cherche en vain le terminal de paiement.
Je prends du recul, je ne vois aucun terminal pour aucune des pompes disponibles.
Pour finir, je vois un employé affairé à nettoyer divers équipements et je lui demande où sont les automates.
Il me désigne une place proche du nez de ma voiture, à l’avant de chaque pompe, derrière des colonnes qui soutiennent le toit de la station.
Les terminaux sont signalés en rouge sur les côtés et il est écrit « Payment » en vertical, incliné à 90° sur toute la hauteur des bornes.
Je ne les ai donc pas vus malgré cette couleur, le texte et l’icône de carte bancaire… et cela doit être le cas pour des tas d’autres conducteurs.

Terminal de paiement avec écriture verticale

Le terminal de paiement avec une écriture verticale, coloré en rouge sur les côtés

Un rituel pour faire le plein

Une séquence habituelle pour acheter de l’essence par carte bancaire est :

  1. Se garer en face de la pompe
  2. Sortir du véhicule et en faire le tour par l’arrière
  3. Regarder le numéro de pompe
  4. Aller au terminal de paiement (situé près de la pompe et de l’arrière du véhicule)
  5. Insérer sa carte bancaire dans le terminal
  6. Introduire le numéro de pompe
  7. Introduire le type de carburant
  8. Entrer son code-secret
  9. Remplir à la pompe
  10. Revenir à l’automate si on désire un ticket
  11. Rentrer dans son véhicule et démarrer

La séquence est logique car elle suit les mouvements de l’utilisateur qui se gare, qui va jusqu’à son bouchon de réservoir (la grande majorité des véhicules dispose d’un bouchon de réservoir sur les flancs arrières) et qui va faire le plein. La majorité des conducteurs ne s’attendent pas à devoir circuler devant leur véhicule (en général, les mouvements situés devant le nez du véhicule sont liés à : une ouverture du capot, un lavage de vitres, une recherche de papier pour se laver les mains, …). Cette séquence limite le nombre de pas et accélère donc les déplacements. Elle permet d’optimiser le temps passé lors de chaque plein.

Zones de friction

La société qui a placé les terminaux a donc introduit des zones de friction dans l’expérience-utilisateur :

  1. Les terminaux de paiement sont invisibles car ils sont cachés derrière des colonnes.
  2. Les terminaux devraient, idéalement, se trouver devant les pompes et non derrière elles (en parallèle de la séquence mentale « je paie puis j’accède au service »).
  3. La couleur rouge des terminaux peut introduire la confusion avec du matériel anti-incendie et ainsi être « zappée » inconsciemment.
  4. Le lettrage « paiement » à 90° impose un effort de lecture important inapproprié pour une action rapide.
  5. Le logo de carte bancaire est difficile à comprendre si on le fait pivoter à 90 degrés.
  6. Pourquoi le texte signalant cette borne de paiement est-il rédigé en langue anglaise?

Dans d’autres stations-services, j’ai noté d’autres types de frictions.

  • Une station disposant d’un seul terminal blanc (sans logos) comme tout le reste de l’équipement, presque invisible car placé devant le véhicule, à la deuxième pompe :
    Il faut errer pendant une bonne dizaine de secondes pour repérer le terminal (en général, via l’observation des autres usagers).
  • Sur ce même terminal de paiement, il est d’abord demandé le type d’essence et non le numéro de pompe : on brise encore ici la logique séquentielle.
    En effet, si l’utilisateur n’est pas certain d’être sur le bon terminal de paiement, pourquoi indiquerait-il le combustible alors qu’il veut d’abord être certain qu’il va payer pour la pompe qui le concerne et pas pour celle du voisin…?
  • Divers terminaux de paiement obligent désormais à suivre du regard deux écrans situés l’un au dessus de l’autre, ce qui induit une gêne et une perte de temps dans l’introduction des données.

Conclusion

J’ai trouvé ce cas particulièrement révélateur de divers oublis lors de l’intégration des différents éléments dans les stations-services. Il pourrait être intéressant de monter une étude approfondie afin d’optimiser les déplacements des clients et de minimiser le temps lié à la recherche des terminaux et à la conclusion des transactions bancaires. Plus que jamais, la règle de Steve Krug « Ne me faites pas réfléchir » s’applique ici aussi, dans sa plus simple définition : plus je dois penser pour accomplir une action simple, moins les résultats sont rapides (et efficaces).

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